COMMENT DIEU TRAVAILLE
Un aspect de l’épître aux Romains
Jean Koechlin
Plan de l’épître / Table des matières :
2 Chapitres 1 à 3. 20 — Nécessité du travail de Dieu
3 Chapitres 3. 21 à 5. 11 — Ce que Dieu a fait pour nous
4 Chapitre 5. 12 à 7 — Ce que Dieu fait en nous
5 Chapitre 8 — Ce que Dieu a fait de nous.
5.1 Ce que Dieu a fait de nous
5.4 La main de Dieu derrière les causes immédiates
5.5 Pourquoi nous sommes sur la terre
6 Chapitres 9 à 11 — Ce que Dieu fait pour Israël et les nations.
7 Chapitres 12 à 15 — Ce que Dieu fait par nous
8 Chapitre 16 — Pleins résultats de l’oeuvre de Dieu.
Plusieurs sujets sont développés dans l’épître aux Romains.
Le premier est l’évangile (ou bonne nouvelle) : ce mot est employé quatre fois dans le premier chapitre (v. 1, 9, 15 et 16). L’évangile est généralement considéré comme l’annonce du salut, le point de départ de la vie chrétienne, et cependant ici, au verset 15 du chapitre premier, Paul se propose de l’annoncer à des croyants : preuve que l’évangile va bien au delà du salut de l’âme et comprend toute la pensée de Dieu révélée à l’homme, tout le plan de Dieu à son égard.
Un deuxième sujet est la justice de Dieu (ch. 1. 17) : le Dieu juste révèle et offre sa justice à l’homme après l’avoir convaincu qu’il en a besoin.
Un troisième sujet, c’est l’oeuvre de Dieu (ch. 14 v. 20). À travers cette épître, nous voyons Dieu au travail. Il commence par mettre de côté les oeuvres de l’homme et fait successivement une oeuvre :
pour nous (jusqu’au chapitre 5 v. 11)
en nous (à partir du chapitre 5 v. 12)
par nous (à partir du chapitre 12).
C’est sous cet aspect du travail de Dieu que l’épître a été considérée dans les pages qui suivent.
Tant que l’homme a confiance en lui-même, il n’est pas prêt à faire confiance à Dieu et à le laisser travailler ; il est donc nécessaire de lui ôter ses illusions.
Nous observons le même plan dans le livre d’Ésaïe où Dieu doit déclarer dès le début (ch. 2 v. 22) : «Finissez-en avec l’homme dont le souffle est dans ses narines». Puis, progressivement, est introduit Celui que Dieu envoie, à son peuple Israël d’abord, mais aussi pour être une lumière des nations et son salut jusqu’au bout de la terre (Ésaïe 49 v. 6). De même, dans l’Exode, Israel nous est d’abord présenté sous l’esclavage en Égypte, sans aucune possibilité de briser son joug, pour que l’on puisse constater ensuite ce que Dieu fait pour lui. Il le délivre, mais il fait plus : il en fait son peuple, un peuple d’adorateurs au milieu duquel il dressera son tabernacle (Exode 40 verset 34).
La structure est la même dans l’épître aux Romains :
Nous trouvons en premier lieu un triste portrait moral de l’homme dans les trois premiers chapitres :
D’abord un portrait du païen. On demande souvent ce que Dieu fera de ceux qui n’ont pas entendu l’évangile. Le verset 20 du premier chapitre nous dit que tout homme est doué d’une intelligence qui lui permet de voir Dieu dans la création ; mais, faute de l’avoir glorifié et de lui avoir rendu grâces, d’une manière générale, la créature a sombré dans l’idolâtrie et dans la dégradation morale. C’est un affreux tableau que celui que nous trouvons à la fin du premier chapitre. L’homme met en avant ses progrès intellectuels, techniques, scientifiques ; mais ce qui intéresse Dieu, ce qui compte à ses yeux, ce ne sont pas les capacités dont il a lui-même doué sa créature, c’est le côté moral, le coeur de l’homme. Et là, l’Écriture constate que «toute la tête (les pensées) est malade et tout le coeur (les affections) fait défaut. Depuis la plante du pied (la marche) jusqu’à la tête, il n’y a rien en lui qui soit sain» (Ésaïe 1. 5, 6).
Certes, tous n’ont pas été jusqu’à commettre les abominations mentionnées dans ce premier chapitre, mais il nous est parlé, à la fin de cette description, de «ceux qui trouvent leur plaisir en ceux qui les commettent». Le fait de vivre dans un monde plein d’immoralité et de violence expose non seulement à minimiser le mal, à ne plus en avoir horreur (Romains 12. 9) mais à s’y intéresser.
Au début du chapitre 2, nous trouvons un second portrait. Voilà l’homme qui a progressé dans la civilisation et la culture : les moralistes, ceux qui savent expliquer aux autres ce qu’ils doivent faire et ne pas faire. C’est la preuve que l’être humain possède une conscience. En effet, en discernant la faille chez le voisin, il s’accuse lui-même, montre qu’il sait distinguer le bien du mal, tout en tombant dans les mêmes égarements. Ainsi la conscience accuse l’homme plutôt qu’elle ne l’excuse (2. 15).
Enfin un troisième tableau nous dépeint le Juif, l’homme privilégié qui a reçu la Parole de Dieu et qui jouit d’une relation officielle avec Dieu. Il connaît l’expression de sa volonté, ses exigences et il s’en prévaut ... tout en les transgressant. D’une manière constante, le Juif se considérait au-dessus «des pécheurs d’entre les nations» (Galates 2. 15). Mais son privilège le condamnait. La loi lui montrait ce que Dieu voulait et il était incapable de la respecter. Nous pouvons étendre aujourd’hui ce troisième tableau à tous ceux qui possèdent la Bible tout en faisant simple profession de christianisme.
On retrouve, dans le Psaume 19, quoique dans un ordre différent, ces trois côtés du témoignage rendu à l’homme :
par la création (v. 1 à 6)
par la parole (v. 7 à 11)
par la conscience (v. 12 à 14).
Ainsi Dieu a un langage pour toutes ses créatures, même pour celles qui n’ont jamais eu l’occasion d’entendre l’évangile, et sa conclusion, nous la trouvons au chapitre 3 : «tous ont péché», «point de juste» (v. 10), «personne qui ait de l’intelligence» (v. 11), «tous rendus inutiles» (v. 12). Quel bilan ! Le trouvons-nous trop sévère ? Dieu se doit à lui-même — et nous doit à nous, tel un médecin consciencieux — de nous dire la vérité. Et au verset 22 tombe le verdict définitif : «Il n’y a pas de différence, car tous ont péché et n’atteignent pas à la gloire de Dieu».
Dieu fait donc table rase des prétentions de l’homme avant de lui offrir sa grâce. Lorsqu’on veut construire une maison sur un terrain occupé par de vieilles bâtisses en ruine, il faut d’abord démolir celles-ci. La ruine de l’homme est une vérité solidement établie par l’Écriture et nous avons à la reconnaître avant de faire un pas de plus.
Après un tel constat propre à nous plonger dans le désespoir, n’est-il pas merveilleux de lire aussitôt, dans la même phrase (versets 23, 24), que Dieu nous déclare «justifiés gratuitement par sa grâce, par la rédemption qui est dans le Christ Jésus» ?
Le désir de Dieu, c’est que nous soyons d’accord avec lui quant au jugement qu’il porte sur notre passé, et alors il nous offre gratuitement ce qu’il a préparé pour nous. Qu’a-t-il préparé ? De quoi ont besoin des injustes ? D’une justice.
Mais un don ne devient ma propriété que si je l’accepte. La fin du chapitre 3 nous montre le côté de Dieu. Il offre gratuitement sa justice à l’injuste. Le chapitre 4 nous montre le côté de l’homme : la réception du don qui se fait par la foi. Pour mieux le confirmer, nous avons, au chapitre 4, un exemple illustre dans la personne d’Abraham. Tout fidèle qu’il ait été, avec toutes les oeuvres qu’aurait pu faire valoir un homme tel que lui, c’est par la foi qu’il a été justifié !
Il l’a été avant l’alliance de la circoncision, preuve que le moyen de salut est bien la foi et s’étend à tous les hommes, pas aux Juifs seulement. Aucune différence quant au don : Ia justice gratuite que la grâce de Dieu offre a tous ; aucune différence non plus quant au moyen de se l’approprier et qui est la foi sans oeuvres. Et c’est alors un cri de joie qui se fait entendre au chapitre 5 v. 1 et 2.
Sans force, impies, pécheurs et ennemis, nous avons trouvé, dans l’amour de Dieu donnant son Fils, la paix, la réconciliation et tous nos grands sujets de gloire et de joie. La question des péchés commis a été réglée, le lourd passif moral a été payé par un Autre, l’homme est rendu propre à entrer au ciel, dans la présence du Dieu qui est saint. Ses péchés sont pardonnés, mais une autre question se pose maintenant, c’est celle de la nature pécheresse, de l’arbre qui a produit ces fruits-là, de la source d’où coule cette eau corrompue. Et alors Dieu va faire un autre travail : après avoir travaillé pour nous — et en dehors de nous — il va accomplir une oeuvre en nous. En général, nous trouvons celle-ci beaucoup moins agréable, parce que Dieu nous apprend à nous connaître nous-mêmes et cette connaissance nous apporte honte et confusion.
Au chapitre 5. 12 à 21, nous sont présentés deux chefs de race et leurs familles respectives. Nous appartenons par la naissance à la race d’Adam, qui se reproduit, moralement conforme à elle-même, d’une génération à l’autre. Race de pécheurs, de désobéissants, de transgresseurs, nous sommes de ce fait condamnés à mort, selon la sentence de Dieu dès le jardin d’Éden. Il n’y a pas d’autre issue : Dieu ne répare pas ce que l’homme a gâté. Ce qu’il fait : il introduit un nouvel homme, son Fils, chef d’une nouvelle famille à laquelle appartient désormais l’enfant de Dieu. Sans doute, la vieille nature est-elle toujours dans le croyant, mais Dieu a réglé ce problème, car il n’y a pas place devant lui pour deux hommes : cette mort que l’homme en Adam méritait, elle a été subie par le Christ à la croix et, par conséquent, le croyant peut considérer cette vieille nature comme définitivement mise de côté par Dieu.
En cela consiste l’affranchissement, expression magnifique, synonyme de liberté, de délivrance. Bonne nouvelle s’il en est une, et qui fait bien partie de cette bonne nouvelle qu’est l’évangile complet !
De quoi sommes-nous délivrés ?
De la chair, du moi et de la confiance qu’il inspire, des illusions sur le bien existant dans la nature humaine ; voilà où Dieu veut nous amener : être entièrement d’accord avec lui a ce sujet. Et comment sommes-nous délivrés ? Par la mort. Mais «mort» dans l’Écriture ne signifie pas inexistence ni anéantissement ; cet état indique une séparation, une absence de relation avec Dieu. Par exemple, en Éphésiens 2. 1, ceux qui étaient «morts dans leurs fautes et dans leurs péchés» étaient bien vivants quant à la chair ; en Apocalypse 20. 12, devant le grand trône blanc, nous voyons les morts, grands et petits, se tenir debout ; et nous savons que la seconde mort est bien une existence, hélas éternelle, loin de Dieu.
Les membres de l’homme, ses multiples facultés, employés jusque-là, pas toujours pour faire de mauvaises choses, mais toujours pour lui-même, pour sa propre satisfaction, vont, chez le croyant, changer de propriétaire. Ces membres : notre langue, notre intelligence, notre mémoire ... ne sont que des instruments neutres, sous une certaine direction. Les voilà délivrés de l’assujettissement obligatoire au moi par la «mort» de celui-ci ; ils sont disponibles pour une autre autorité qui se substitue à la première. C’est le Christ qui va utiliser ces mêmes membres, autrefois au service du moi, des convoitises, du péché, du monde, pour un nouveau service ; ils vont devenir instruments de justice (6. 13 fin).
Mais dans la pratique, cette nouvelle autorité ne peut pas toujours s’exercer, parce que la chair, sortant de sa place (la mort), s’attribue des droits qu’elle a perdus. D’où l’exhortation du verset 11 : «Tenez-vous vous-mêmes pour morts» ; surveillez la chair, maintenez-la où Dieu l’a placée, ne la laissez pas reprendre le contrôle de ce qui ne lui appartient plus. Nous tenir pour morts, c’est réaliser pratiquement cette destitution du moi, ce fait que tout en nous -nos facultés, nos capacités appartient à un nouveau maître et doit rester à sa disposition. Car le Seigneur l’a dit : «Nul ne peut servir deux maîtres».C’est une vérité que nous avons à saisir par la foi, comme le pardon des péchés.
L’affranchissement d’un croyant est donc un acte de foi de sa part, comme la conversion, et il ne faudrait pas croire qu’il est nécessaire pour comprendre cela d’arriver à la fin de sa vie chrétienne. Mais le principe est une chose, l’expérience pratique en est une autre et nous savons que notre tendance est de soustraire au Seigneur ce qui lui appartient, pour le remettre au service du «moi».
Au chapitre 7 v. 12, nous assistons à un combat décourageant. Un homme lutte ; il a la vie de Dieu, il sait ce qu’est le bien, mais il n’a pas la force de le faire, ou plutôt, il cherche la force en lui-même, et ce n’est pas là qu’elle se trouve. Tout au long de ce chapitre, ce pauvre croyant est occupé de lui-même ; nous trouvons au moins quarante fois «je», «moi», «me» : c’est le moi qui est le centre. Cet homme cherche à se débarrasser de ses tendances, il cherche à plaire à Dieu, mais enregistre échec sur échec. Qui de nous n’a pas fait cette expérience ? Nous prenons une bonne résolution, et comme elle s’envole vite !
Cela signifie-t-il qu’on ne doit pas faire d’effort, puisque c’est inutile ? Doit-on tout laisser aller ?
Certes, il y a des efforts à faire mais dans le sens d’une surveillance. Dans une armée, sur le front, la vigilance de la sentinelle exige un effort différent de celui du combattant, mais la victoire en dépend dans une large mesure. Tenir la chair dans la mort, cultiver la communion avec le Seigneur, ce n’est pas une petite chose et c’est en cela que consiste notre effort (qui n’est possible que par le Saint Esprit) : rester près du Seigneur, pour que, tenus par sa main, nous comprenions enfin que nous avons besoin de lui pour tout. Séparés de lui, nous ne pouvons rien faire (Jean 15. 15). Aussi, à la fin de ce chapitre 7, nous entendons ce croyant, qui a vainement essayé de s’extraire du marécage dans lequel il était embourbé, s’écrier enfin : «Je ne peux pas me délivrer moi-même ; j’ai besoin qu’une main se tende vers moi. Qui me délivrera de ce corps de mort ? Tout seul cela m’est impossible». Justement le Seigneur attend que nous ayons fait cette expérience, qui peut être plus ou moins longue et pénible, pour se faire connaître à nous comme le grand libérateur.
Ainsi, à mesure que la grâce de Dieu travaille en nous, Dieu nous fait perdre peu à peu nos illusions sur nous-mêmes, pour nous apprendre à nous confier plus pleinement en lui. Nos déceptions proviennent de ce que nous nous attendons à trouver du bien dans l’homme. Il nous faut apprendre et expérimenter que tout ce que nous ne trouvons pas en nous, nous pouvons l’attendre de Jésus Christ, notre Seigneur, et c’est là qu’est véritablement le bonheur pour nous.
Le chapitre 8 nous montre dans quelle liberté et quelle joie l’âme affranchie se trouve maintenant. Elle avait la vie, mais il lui manquait la force (chapitre 7), et cette force, cette puissance, lui est communiquée par le Saint Esprit.
Le Saint Esprit demeure dans ce vase humain qu’est le coeur du croyant, mais il est nécessaire que ce vase soit dans un état convenable et, premièrement, vidé de lui-même pour pouvoir être rempli : on ne peut rien mettre dans un récipient qui n’est pas vide.
Avec l’Esprit viennent aussi l’intelligence et l’amour. Dans ce chapitre 8, nous trouvons donc le croyant qui a appris à mettre de côté toutes les prétentions de l’homme et dont l’esprit est maintenant ouvert : le Christ s’est substitué au «moi» ; il est «dans le Christ Jésus» (8. 1), uni à Lui. Sa foi s’empare de ce fait et l’expérience suit. Son intelligence va s’ouvrir à un ensemble de vérités d’une portée extraordinaire :
Il va découvrir non seulement ce que Dieu a fait pour lui mais ce qu’il a fait de lui : son propre enfant, ayant la faculté d’employer ce mot si rempli de douceur, «Abba», que le Seigneur lui-même a prononcé à Gethsémané. Et, comme conséquence, il a un héritage commun avec tous les enfants : il est «héritier de Dieu, cohéritier du Christ».
Le propos de Dieu, c’est de nous rendre conformes à l’image de son Fils, expression qui est comme la clé de ce chapitre. En attendant de lui être rendus semblables par la transformation du «corps de notre abaissement en la conformité du corps de sa gloire» (Phil. 3. 21), une conformité morale doit se produire en nous. L’obéissance, la patience, la sagesse, le dévouement... toutes ces beautés morales du Premier-né sont infiniment précieuses au coeur du Père et il désire les voir reproduites dans ses enfants, dans tous les membres de sa famille.
Dieu veut aussi nous faire réaliser où nous nous trouvons : au milieu d’une création qui soupire, qui souffre. Et nous ne pouvons pas y être indifférents. Un croyant ne peut que souffrir en constatant l’outrage que le péché constitue aux yeux de Dieu, l’indifférence des hommes à l’offre de la grâce, le spectacle de cette pauvre humanité qui se précipite tête baissée vers le jugement. Jésus, en traversant ce même monde, mais avec une parfaite sensibilité, a ressenti plus que personne l’insulte faite à Dieu par le péché et toutes les misères qui en résultaient pour la créature elle-même (voir Marc 7. 34 ; 8. 12). La tentation même est, pour l’enfant de Dieu, un sujet de souffrance. Il n’est plus dans la chair (v. 9) mais il a toujours la chair en lui, caractérisée dans les versets 6 et 7.
Les soupirs du chapitre 8 v. 23 ne doivent pas être confondus avec des murmures qui, eux, expriment un état d’insatisfaction, l’envie de quelque chose que Dieu ne nous a pas donné. Ce ne sont pas non plus les soupirs de découragement du chapitre 7, mais bien les soupirs d’une âme qui ressent profondément l’état moral de ce monde, et les servitudes de sa condition présente.
Mais nous apprenons aussi avec quelles ressources nous sommes laissés dans un tel monde : essentiellement la présence du Saint Esprit en nous, intercesseur sur la terre (v. 26) et la présence du Seigneur en haut, notre intercesseur dans le ciel (v. 34).
Nous sommes également rendus capables de discerner, par la foi, la main de Dieu derrière les causes immédiates en interprétant toutes les circonstances de notre vie à la lumière du précieux verset 28. Le travail de Dieu, sujet de notre épître, ne consiste pas seulement en grandes choses accomplies en notre faveur : justification, rédemption, réconciliation, affranchissement ... Utilisées par lui, toutes choses, y compris les plus petites, les moins agréables, sont les outils dont Dieu se sert pour le bien de ceux qui l’aiment, bien qui consiste à les rendre conformes au Premier-né. Dieu s’intéresse à tous les détails de notre vie, qui est tout entière sous son contrôle. Et remarquons que le verbe travailler (conforme à l’original : sunergei) est particulièrement à sa place dans cette épître qui nous décrit l’oeuvre de Dieu.
Nous apprenons aussi pourquoi nous sommes sur la terre. Certes il y a les leçons des chapitres 5, 6 et 7, mais ce sont surtout des leçons négatives, et nous ne sommes pas laissés sur la terre uniquement pour apprendre cela. Il y a, heureusement, un précieux côté positif de la connaissance que nous donne le Saint Esprit : c’est connaître l’amour de Dieu et l’amour du Christ (v. 35, 39). Le Seigneur n’a jamais promis au croyant de lui donner après sa conversion une vie plus facile qu’avant. Ce qui change, avec la vie divine, c’est la manière de traverser les circonstances, et chacune de celles-ci est, pour Dieu, un moyen de nous apprendre à connaître d’une manière nouvelle l’amour du Seigneur. Nous avons, entre autres, le mot «tribulations» que nous retrouvons souvent dans la Parole (Jean 16. 33) — il vient du latin «tribulum» — le fléau à battre le blé — suggérant les coups douloureux qui nous dépouillent mais qui sont nécessaires pour que nous portions du fruit. Chacune de nos épreuves est une occasion de connaître l’amour du Seigneur sous un côté dont nous n’aurions pas pu faire l’expérience autrement. Car cet amour se manifeste et accompagne toutes les formes d’épreuves auxquelles nous sommes confrontés.
Dans toutes ces choses, il peut donc y avoir une victoire remportée : «Nous sommes plus que vainqueurs» (v. 37) parce qu’il en résulte une expérience, un fruit produit pour la gloire de Dieu. L’épreuve n’a pas été seulement subie avec résignation, mais traversée en faisant une expérience nouvelle de la grâce.
Et ce chapitre 8 qui commençait par «plus de condamnation» se termine par «plus de séparation».
Dans les chapitres 9 à 11, l’intelligence spirituelle continue à s’ouvrir et l’Esprit nous enseigne que le Seigneur est non seulement celui qui nous aime, mais aussi celui qui est parfaitement sage et qui est souverain.
Pourquoi, par exemple, Israël a-t-il été mis de côté momentanément au profit des nations ? Nous n’avons pas à discuter ce problème, Dieu est souverain et il accomplira entièrement son propos. Pas une de ses paroles, pas une de ses promesses ne tomberont et Israël sera sauvé à la fin. Mais nous sommes nous-mêmes le peuple céleste, c’est-à-dire une catégorie de personnes extraordinairement privilégiées dont la vocation est unique au milieu de toutes les catégories de créatures.
Le chapitre 11 se termine donc par une louange qui exalte la sagesse de Dieu ; le croyant adore.
Nous verrions facilement l’épître se terminer sur ces accents de louange du chapitre 11, mais elle se poursuit maintenant par une autre forme du travail de Dieu, non plus pour nous ni en nous, mais à travers nous.
Ce qui fait le lien entre les chapitres 11 et 12, c’est le «donc» du chapitre 12 v. 1 : si Dieu a fait pour nous de si grandes choses, il doit s’ensuivre de notre part une consécration pratique dans la réalisation des droits que l’amour du Seigneur a sur nous. Remarquons que Jésus n’a jamais demandé à quelqu’un qu’il avait guéri de le suivre ou de le servir. Mais nous voyons, par exemple, un Bartimée, ayant jeté loin son manteau, suivre spontanément le Seigneur, et un «Légion» guéri demander à pouvoir l’accompagner.
Pour faire un travail avec un outil, il faut commencer par préparer celui-ci : c’est ce que Dieu fait, il forme l’instrument afin de s’en servir. Ce que Dieu fait pour nous et en nous précède donc normalement ce qu’il fait par nous. Nous avons, dans la Parole, l’exemple de beaucoup de serviteurs qui sont passés par un long temps de mise à l’écart avant d’être employés pour le service, afin que celui-ci soit réellement utile et efficace.
Au chapitre 12, nous trouvons alors une liste non limitative de services préparés pour les instruments qui viennent d’être formés afin de les accomplir. Cette portion commence par «les compassions de Dieu», rappel de l’amour du Seigneur et des droits de cet amour sur nous. Nous ne trouvons pas là comme dans la loi une énumération d’oeuvres à faire — ou à ne pas faire -mais quelques activités (le chrétien est appelé à être actif) placées devant ceux qui ont saisi la grandeur de l’amour du Christ. À cet amour le croyant répond, tout en réalisant que ce qui pourra être fait pour le Seigneur ne sera jamais qu’insignifiant, compte tenu de ce que lui a fait pour nous. Mais Dieu veut nous faire goûter la joie de son service, cette joie d’un coeur décidé et dévoué pour lui, qui a été celle du Seigneur lui-même sur la terre.
Dans le premier paragraphe du chapitre 12, nous avons une liste des services qui attendent, pour ainsi dire, que des ouvriers soient poussés dans la moisson. Mais, pour cela, il faut être préalablement transformé (V. 2). Le mot employé dans l’original a donné «métamorphose» ; il implique une transformation radicale de notre pensée qui nous fait attribuer de la valeur à ce qui n’en avait pas auparavant pour nous et, au contraire, mettre de côté ce qui était autrefois important à nos yeux, à commencer par le «moi». Il s’est produit une inversion de notre échelle de valeurs : nous voyons maintenant les choses comme Dieu les voit. Il nous a conduits à cette nouvelle manière de penser, qui est la sienne, à travers les expériences des chapitres qui précèdent, et par le don du Saint Esprit. En effet, seul celui-ci a la faculté de renouveler notre intelligence et notre raisonnement pour nous faire trouver «bonne, agréable et parfaite» la volonté de Dieu, qui auparavant avait pu nous sembler pénible et contraignante. L’homme naturel n’aime pas être soumis à la volonté d’un maître. Mais, si l’on partage avec ce maître les mêmes sentiments et les mêmes désirs, alors cela ne nous coûte plus : c’est le changement que produit l’amour.
Il nous faut aussi discerner cette pensée de Dieu, donc la demander, la rechercher et l’attendre ; ne pas partir sans cette direction. Comment entreprendre un service quel qu’il soit sans les instructions du Seigneur ? Il s’agit d’un sacrifice vivant et d’un service intelligent. Le Saint Esprit en nous remplace les longues instructions détaillées de l’Ancien Testament, notamment quant aux fonctions des sacrificateurs et des lévites.
Il est bien remarquable qu’avant tout service il soit fait mention de l’humilité (v. 3) : n’oublions pas que c’est toujours la grâce de Dieu qui travaille. La chose nous est aussi présentée en Éphésiens 2 où l’ordre est le suivant : les oeuvres de l’homme sont laissées de côté pour le salut ; l’oeuvre de Dieu, c’est en fait le croyant lui-même : «nous sommes son ouvrage» ; Ensuite seulement il est parlé des bonnes oeuvres dans lesquelles nous avons à marcher, mais c’est encore Dieu qui les prépare pour nous. Ces oeuvres étant celles de Dieu, il s’ensuit que nous n’avons pas à nous en glorifier.
Après l’énumération des services nous sont présentées les occasions de les accomplir :relations de l’homme avec Dieu, des croyants entre eux, enfin relations avec les autres hommes. Dans les chapitres 13 à 15, nous trouvons des détails de la vie chrétienne qui sont des applications pratiques de ce que nous avons vu dans les chapitres précédents et Paul, l’auteur de l’épître, nous donne son propre exemple de serviteur actif et diligent.
Ce patient travail de Dieu, nous aimons en voir le résultat au chapitre 16. Un ensemble de personnes sont nommées qui apparaissent comme le fruit de l’oeuvre de Dieu, pour eux, en eux et par eux. Le Seigneur, par l’apôtre, a quelque chose à dire au sujet de chacun. Nous avons là comme un échantillon de la vision que nous aurons dans l’éternité : ce que le Seigneur aura fait pour, dans et à travers chacun des siens pendant toute l’histoire de l’homme sur la terre.
En terminant nous laissons sur la conscience de chacun la question de savoir à quelle étape nous sommes parvenus dans ce qui est le propos de Dieu pour chacun de nous.
En sommes-nous encore aux trois premiers chapitres ? Alors nos péchés sont encore sur nous et le jugement est encore devant nous.
Ou bien sommes-nous arrivés au chapitre 5 ? S’il en est ainsi, nous voilà rachetés, sauvés, ayant fait l’expérience que nous sommes justifiés par la foi. Mais Dieu veut faire davantage.
Avons-nous alors franchi les chapitres 6 et 7 qui nous montrent le travail de Dieu en nous ? L’épreuve de l’homme en Adam est-elle une chose définitivement classée pour nous, comme elle l’est pour Dieu ?
Sommes-nous, espérons-le, parvenus au chapitre 8, qui est un chapitre triomphant où les yeux et le coeur s’ouvrent et où l’on comprend la grandeur de ce que le Seigneur a fait de nous ?
Prenons alors conscience du fait que sa grâce a placé devant chacun de nous tel ou tel service, comme nous le voyons au chapitre 12. Un ou plusieurs services sont ainsi préparés pour chacun de ces instruments formés par lui avec tant de patience. À nous de les discerner.
Et ainsi nous pourrons nous situer humblement mais avec reconnaissance dans l’immense cortège des croyants. Ils doivent tout au Seigneur qui a pourtant quelque chose à dire au sujet de chacun et l’a pour ainsi dire consigné dans le livre de l’Éternité, comme il l’a fait ici dans sa Parole pour ces croyants de Rome.
Devant toutes les merveilles ainsi déployées devant nos yeux, nous pouvons bien nous écrier avec l’apôtre en terminant la lecture de cette épître : «Au Dieu qui seul est sage, par Jésus Christ ... soit la gloire éternellement ! Amen» (16. 27).